LA MINE DE FER DE LESQUERDE

 
 
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           L’exploitation du fer dans les Pyrénées Orientales de 1870 à 1886 : La production du fer est étroitement liée à la conjoncture nationale et à l’histoire des forges catalanes.
          De la fin de l’empire 1870 aux années 1880 l’extraction du fer est multipliée par six. Elle passe de 20 000 à 120 000 tonnes. Les exportations vers l’Espagne absorbent une partie de la production.
           La perte de la Lorraine et de ses mines, conséquence de la guerre de 1870 avec la Prusse, accentue fortement la demande. Aussi, en 1882, la production est-elle de 150 000 tonnes pour 400 ouvriers.
          En 1886-87 une chute brutale de la production est causée par une trop forte concurrence nationale. Les techniques de traitement ont évolué, valorisant des minerais de moindre qualité. Les mines catalanes souffrent aussi de leur position excentrée sur le marché français et du coût élevé du transport du minerai.
          En 1886 les mines n’emploient plus que 133 ouvriers et produisent en 1887 25 000 tonnes seulement retombant au niveau où elles étaient en 1870.

 
 
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Historique : 1831-1933(AD 66 8S74, 213 EDT 84)        
    
           1831: le 27 février Mr Peyralade Antoine (boucher, propriétaire à Saint-Paul) demande l’autorisation de rechercher des filons de fer sur le territoire de Lesquerde.           
           1832: découverte des premiers filons. Le 16 mars, Mr Peyralade demande la concession des mines de fer, plombagine, antimoine et manganèse qu’il dit avoir découvert sur ses terres, sur le territoire de Lesquerde ;           
          1838 : Abel Chauvet de Villardebel (11) et Antoine Chauvet agriculteur à Sougraignes (11) disent avoir fait la découverte « d’une mine d’alquifoux » (galène ou sulfure de plomb) qui sert à vernir les poteries, sur le territoire de Lesquerde. Ils demandent la concession.           
          1840: demande de concession par Messieurs Ambroise et Salvat relative à une   mine de cuivre située à Lesquerde.           
          1842: le 19 octobre. Le ministère des travaux publics a autorisé la recherche de minerai de fer dans les vacants communaux de Lesquerde par les sieurs Clauzel et Captier après avis favorable de l’ingénieur des mines.           
          1858: 26 février. Auguste Bruguière, directeur des forges de Quillan ayant remarqué des indices de minerai de fer au lieu-dit la Garrigue de Lesquerde sollicite l’autorisation de faire des recherches. La concession demandée part du Pont de la Fou, suit la crête jusqu’au col de Lesquerde, coupe au sud jusqu’à l’ancienne église et la chaussée du moulin de Saint Arnac et revient au Pont de la Fou en suivant le cours de l’Agly.
 
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           1863: Les sieurs Vercher et Perret déclarent avoir trouvé sur le territoire de Lesquerde un filon de fer oligiste et en demandent la concession « afin de nous conserver les privilèges requis par l’inventeur ».           
           1873 : 23 mai. Le conseil municipal autorise Mlle Soumain, de Sahorre, à faire des fouilles dans les vacants. Résiliation du bail en novembre 1874, la demoiselle ayant discontinué ses fouilles et sans payer l’indemnité.           
           1876 :  adjudication aux enchères publiques de l’exploitation des mines de Lesquerde (maire Mr Panabiére) exploitation à ciel ouvert, bail de 5 années (1876-1881) mise à prix 500 francs. Adjudicataire : la société des mines de Fillols.             
           1882: 5 janvier. Adjudication (maire Mr Armingaud) mise à prix 600 francs bail de 5 années                 
           1882-1887, exploitation à ciel ouvert, adjudicataire : Société Minière des Pyrénées           
           1896: 14 avril. Monsieur Bessy de la Société des Mines de Riols obtient la concession aux mêmes conditions.           
           1899 : 18 avril. Le conseil autorise le sieur Chaligio à exploiter le minerai des vacants communaux           
           1905 : le 1 novembre. Lettre de monsieur Charles Helson « En instance pour reprendre l’exploitation des minerais de Lesquerde, je viens vous demander de vouloir donner un avis favorable du contrat dont le projet vous a été soumis par la préfecture, l’ancien concessionnaire ayant été déclaré insolvable et poursuivi par plusieurs personnes. Etant actuellement en Société Anonyme des Minières des Pyrénées, siège à Paris 22 rue de Rivoli, nos associés, Ch de Wendel, Métayer seraient heureux de continuer les recherches. Les mines commencées par moi dans le canton de Saint-Paul nous donnent très bon espoir. Je serais heureux de pouvoir joindre aux autres exploitations celle de Lesquerde.           
          1908 :septembre. La Société Minière des Pyrénées demande l’autorisation à la commune de Saint Paul d’établir un passage souterrain ou ciel ouvert pour le transport du minerai depuis la mine de Lesquerde. Nous désirons relier par un câble ou un plan incliné notre exploitation à la gare de Saint-Paul. Dans ce but, nous avons l’intention de traverser en galerie toute la montagne afin de relier notre appareil mécanique de transport à notre centre d’exploitation.           
          1908 : 8 octobre. La municipalité de Saint-Paul donne l’autorisation d’établir le câble, atelier, baraque et trémies pour 18 ans (1908-1926) redevance 100 francs par an.           
          1909 : (Indépendant du 14 03 1909) La Société Anonyme Minière des Pyrénées sollicite la concession de mine de fer, manganèse et métaux connexes sur Saint-Paul, Maury et Lesquerde.           
          1917 : 15 janvier. Lettre de Mr Baux au préfet. Il a loué à différents propriétaires des terrains en vue d’exploitation des filons à ciel ouvert.           
          1918 : 27 janvier. Monsieur Léon Baux, maire de Saint-Paul, ancien cadre de la Société Minière des Pyrénées déclare ouvrir une mine à ciel ouvert et une galerie de recherche sur le territoire de Lesquerde. Le service des mines l’invite à abandonner l’idée de recherches souterraines car le site qu’il souhaite exploiter est proche de la société minière qui exploite au Roc Nègre (source : Jean Rifa)

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                                                                                Les trémies de l’exploitation du Roc Nègre        
 
          1929-1932 : Concession à la Société des Mines de Lesquerde, siège 22 rue des Augustins Paris 2ème1933-1943 : Bail entre la commune de Lesquerde (maire J M Armingaud) et la S. A. Mines des Pyrénées, Tsapalos, directeur, pour une durée de 10 ans (800 francs par an).8 mai 1933 : Un bail entre la commune de Lesquerde (maire J M Armingaud) et la Société des mines de Lesquerde successeur de la Société Anonyme des Mines des Pyrénées, représentée par Mr Tsapalos, directeur, et dont le siège social est à Paris 22 rue des Augustins est signé.           
          Ce bail d’une durée de 10 ans est consenti contre le versement d’une somme annuelle de 800 francs.                       
          Dans son rapport, l’ingénieur des Mines de Montpellier dit ceci :« le minerai est complètement épuisé et ce qui reste est inutilisable en raison de sa faible teneur en fer. D’autre part, étant donné la situation économique actuelle, la société dit ne pas avoir expédié une seule tonne de minerai depuis deux ans et que si la mine garde encore une toute petite activité, elle le doit à l’utilisation de certains oxydes pour des produits de peinture. » Une note dans un livre de compte (côte 15 J 25) indique qu’il n’y a aucune livraison à la sidérurgie de 1932 à 1938. Toute la production a été livrée à l’usine de poudre pour la peinture. Une légère reprise a lieu en 1940 avec 4198 tonnes de minerai livré, volume qui se réduira rapidement pour atteindre 852 tonnes en 1942. La Société de Lesquerde emploie encore 35 mineurs en 1939 pour tomber à 14 en 1942.

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La mine 
 
          Description par monsieur Jourda en 1891 dans le cadre d’une enquête en vue du partage des vacants. Il cite le Ravin des Tresses dans le secteur de la mine (parcelle 171 à Calvet Emile et 125 à Antoine Dutard). Des voies d’accès avec rampes qui sont parfois excessives ont été ouvertes et se  développent sur le flanc du mamelon  abritant le minerai. Si l’on tient compte que le transfert s’effectue toujours en descendant, la déclivité ne constitue pas une grande entrave à l’exploitation.  La superficie entière de la mine est de 5ha 45a 72ca
          Les deux chantiers ouverts, l’un sur la gauche, l’autre sur la droite de la mine ont pour section, le premier 26a 58ca, le deuxième 11 ares 67ca.
          Dans les fronts de taille la puissance du gisement est de huit mètres. L’exploitation des minerais a dû cesser suite au prix élevé des transports car il n’y a pas moins de 30 Km de la mine à Rivesaltes. Cette situation doit changer avec l’arrivée du chemin de fer.
          L’accès à la mine s’effectuera par le chemin de la Garrigue qui part du village sur lequel s’embranche le chemin de service de celle-ci qui bifurque à son tour en deux autres desservant chacun des chantiers ouverts.  Il a été laissé par les exploitants primitifs environ 3000 tonnes de minerai de très bonne qualité sur les chantiers.  Monsieur Jourda termine sa mission le 18 février 1892 . . .
Quoique invendable nous estimons la mine de fer à une valeur supérieure à la mise à prix fixée à 2000 francs.
 
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Le transport du minerai
 
           Jusqu’à la seconde moitié du 19ème siècle toutes les tentatives d’exploitation minière échouent. En cause, la vétusté du réseau routier que ne peuvent emprunter les charrettes à bœufs ou à chevaux. Le minerai doit donc être évacué vers les centres de traitement et d’expédition grâce à des caravanes d’ânes ou de mulets bâtés par des passages périlleux comme le col de Lesquerde et, antérieurement le pas de Bentefarine (ou col des mineurs) qui peuvent alors relier les lieux d’extraction à Saint-Paul lieu probable de traitement et d’expédition. Chaque muletier conduit deux ou trois mulets. La charge que porte chaque animal est d’environ 135 kilos.
            Depuis 1862 le conseil municipal réclame la prolongation de la route n° 19, qui existe déjà de Maury vers Lesquerde, vers Saint-Paul. Les Esquerdanhols ont bien tracé un chemin jusqu’au Gorges de la Fou (1862-1864) mais celui-ci est trop étroit et trop incommode pour les voitures à bœufs ou à chevaux. En 1874 le préfet reconnait que ce chemin vicinal n° 1 de Lesquerde au Pont de la Fou n’est pas terminé ni même le chemin d’intérêt commun n° 19 en direction de Maury. La situation doit s’arranger avec l’arrivée du chemin de fer annoncé depuis 1870. Il faudra attendre 1901 pour voir inaugurer cette voie de chemin de fer (inauguration le 27 août 1901 par le ministre de la guerre).
             A la même époque arrive le téléphone auquel Saint-Paul est raccordé en 1899, et l’éclairage public dont le pionnier local est Louis Abram. Saint-Paul est éclairé en 1892 grâce à la chute d’eau de l’usine Rapidel et Lesquerde vers 1905-1906 grâce à l’usine d’Ansignan.
            Avant l’ouverture du tunnel et l’installation d’un câble coté Saint-Paul, un plan incliné avec câble descend le minerai jusqu’au chemin ou il est pris en charge par les charretiers. Les tombereaux descendent par le Pont de la Fou jusqu’à la gare de Saint-Paul d’où il est expédié.
            En septembre 1908 la Société Minière des Pyrénées demande l’autorisation à la commune de Saint-Paul d’établir un passage souterrain pour le transport du minerai depuis la mine de Lesquerde et d’un câble (ou un plan incliné) jusqu’à la gare de Saint-Paul de Fenouillet.           
            Le 8 octobre 1908 Saint-Paul donne l’autorisation d’établir un câble, atelier, baraque et trémies pour 18 ans (1908-1926) avec une redevance de 100 francs par an.
            De nombreux vestiges industriels sont encore présents dans la nature, souvent très cachés dans la végétation, ruines de la sortie de la mine côté Saint Paul avec le tunnel, les ateliers, la machine à vapeur, chemin et baraque des mineurs, trémies du Roc Nègre, plan incliné et les poulies du treuil côté Lesquerde. Tous ces vestiges méritent d’être mis en valeur et conservés pour les transmettre aux générations futures.

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Les hommes de la mine
 
             Qui sont ces hommes qui travaillent là et d’où viennent-t-ils ?
             Ils sont recrutés sur place par les producteurs. Il s’agit de journaliers, plus terrassiers que mineurs. Ce sont des agriculteurs très heureux de trouver une occupation supplémentaire qui leur rapporte quelque argent.
             Cette activité de recherche et d’exploitation entretient aussi une économie parallèle importante liée aux transports. Jusqu’en 1901, le cheval est roi. Et, avec lui, de nombreuses professions drainant de la main d’œuvre : marchands de fourrage, de grains, maréchaux-ferrants, bourreliers, charrons . . .        
             Ces agriculteurs-mineurs, pour la période s’étalant de 1890 à1914 sont payés sur la base horaire de 0,50 à 0,60 francs. Ces salaires n’ont rien d’exceptionnel et sont comparables à ceux des autres professions ouvrières. Il faut aussi ajouter que ces hommes effectuent de très longs trajets à pied pour se rendre et revenir du chantier, trajet non rémunéré bien entendu.
 
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Relevés de production
 
             Ces données sont extraites des archives municipales de Lesquerde. Elles nous donnent une idée sur l’activité minière au début du XXème siècle. Les relevés d’expéditions permettaient d’établir la redevance municipale due par l’exploitant. Cette redevance concernait seulement les produits extraits en surface (minerai de fer et quartzite*).
             - 1906 : pour août, septembre, octobre 2895,830 tonnes expédiées au 31 octobre
             - 1907 : septembre, octobre 4704,5 tonnes
             - 1908 : mai, juin, juillet 2671,3 tonnes
             - 1910 : du 15 novembre 1909 au 14 novembre 1910 : 7140,6 tonnes. Il s’agit de la production extérieure et celle du Roc Noir.
             - 1911 : mois de décembre 1238,5 tonnes. En extrapolant, ceci pourrait donner 15 000    tonnes pour l’année 1911 (1250x12)           
             - 1912 : de février à juin 1008 tonnes en extérieur.
*Le quartzite est une roche siliceuse constituée de cristaux de quartz soudés ce qui lui confère une grande dureté. Ce matériau est surtout utilisé pour faire des pavés (que l’on retrouve dans les rues de nos villes et villages).

 

La «Cantine»
 
             Une « cantine » avec hébergement a fonctionné entre le 26 mai 1919 et le  8 août 1941 à Saint-Paul de Fenouillet dans un bâtiment acquis (ainsi que d’autres immeubles) par la Société Anonyme des mines de Fer de Lesquerde. Cette cantine était située sur la parcelle B 159 Chemin des Jardins « Cami dels Orts ». Elle accueillait les mineurs principalement d’origine étrangère (en particulier espagnole), fournissant le gite et le couvert. Elle a hébergé jusqu’à trente pensionnaires. Les propriétaires successifs:
le 14 mars 1953, Madame Marie Rose Yvonne Mercier, épouse de Monsieur Raymond Paul Gabriel Joseph Catala, vend à Monsieur José Vallejo ouvrier mineur (mines de gypse Bougnol) né à Mollina (province de Malaga Espagne) le 30 juin 1886 et à Madame Consuelo Calzado née à Mérida (province de Badajoz Espagne) le 27 janvier 1896 et demeurant à Saint-Paul de Fenouillet une maison d’habitation en très mauvais état connue sous le nom vulgaire « Aberadou » « La Cantine » cadastre section B 159 au chemin dit «Cami dels Orts». Cette maison avait été incendiée au mois d’août 1944.
             Cet immeuble appartenait à Madame Catala qui l’avait acheté le 8 août 1941 à la Société Anonyme des Mines de Fer de Lesquerde ayant son siège social à Paris 48 rue des Petits Champs.  Cette société était propriétaire du dit immeuble acheté le 26 mai 1919 à Madame Rosalie Adeline Mazerolles veuve de Monsieur Michel Montgaillard.
            (Monsieur Michel Montgaillard est décédé le 25 mai 1916 à l’âge de 40 ans, tué à l’ennemi pendant la première guerre mondiale dans le Bois de Jury près de Flirey en Meurthe et Moselle 54). 
            La coopérative des mineurs : 1918-1958  Acte d’association coopérative du 16 février 1918 (152 EDT 82) Ont comparu : François Calvet, conseiller d’arrondissement, mineur à Saint-PaulPaul Brugat, adjoint au maire de Saint-Paul, ouvrier mineurPierre Pla, maitre charretieret autres mineurs  Article n° 1 :Il est formé entre les mineurs résidant à Lesquerde et Saint-Paul de Fenouillet une société anonyme coopérative de  consommation à capital et bien variables.  Elle s’interdit formellement toute discussion politique et religieuse. Article n° 2 :But : fournir des denrées alimentaires et tous objets manufacturés ou non dans les meilleures conditions de prix et de qualité. Cette coopérative, dissoute en septembre 1958, était installée au 91 avenue Jean Moulin Saint-Paul de Fenouillet.
         Sources :AD 66   8S74, 213 EDT 84Archives municipales LesquerdeHenry Salvayre : sentier d’interprétation géologique des Hauts de TaïchacPh Coquin : Recherches sur Lesquerde pages 212 à 223J Rifa : Histoire des villages des Pyrénées OrientalesPatrick Vallejo : acte d’achat de la «Cantine».
         Photographies couleur : Fernand Cervera   Gaby Zafra : photographie de la benne
Les photographies noir et blanc sont extraites de la revue Fenouillèdes N° 7 éditée par Guy Normand.